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Prud'hommes : la représentation obligatoire en appel devrait être exonérée du timbre fiscal

L'avant-projet de loi sur l'activité prévoit une représentation obligatoire par un avocat ou un défenseur syndical lorsqu'il s'agira de faire appel d'un jugement prud'homal. Mais cette réforme n'est pas sans soulever un certain nombre d'interrogations.

L'avant-projet de loi sur l'activité reprend l'une des propositions du rapport Lacabarats : étendre au champ prud'homal l'obligation de représentation en appel (lire notre article). Cette représentation pourrait se faire de manière classique, par un avocat, mais aussi par le truchement d'un défenseur syndical dont les ministres du travail et de la justice veulent renforcer le rôle (lire notre article).

Mais cette réforme de taille n'est pas sans poser un certain nombre de questions qui – pour certaines – restent en suspens.

Une procédure en appel plus onéreuse ?

Instaurer une représentation obligatoire lorsqu'un appel est interjeté en matière prud'homale aura une incidence bien sûr financière pour les justiciables qui choisiront de se faire représenter par un avocat. La question est de savoir si, en plus des frais de justice et d'avocat, les litiges prud'homaux seront soumis au timbre fiscal qui est dû en cas d'appel dans les procédures avec représentation obligatoire (article 1635 bis P du code général  des impôts). D'un montant de 150 €, il devrait passer à 225 € à partir du 1er janvier 2015, comme le prévoit un article au projet de loi de finance pour 2015 adopté à l'Assemblée nationale en première lecture.

L'appel prud'homal exonéré du timbre fiscal

La gratuité de la procédure prud'homale avait déjà subi une entorse avec la contribution juridique de 35 € (lire notre article). Elle a depuis été abandonnée (lire notre article).

Selon nos informations, la Chancellerie ne souhaite pas renchérir le coût de la justice prud'homale à l'occasion de cette réforme. "Aucun timbre fiscal ne sera dû en appel en matière prud'homale", nous a affirmé l'entourage de la ministre de la justice. Une exception qui devra - si elle est bien confirmée - être inscrite noir sur blanc dans un texte.

Cette option permettrait d'échapper à une éventuelle censure constitutionnelle. En effet, l'article 1635 bis P du CGI vise les cas de représentation obligatoire avec avocat (et non - par définition - les défenseurs syndicaux). Selon Dominique Piau, avocat en droit social, le gouvernement avait alors deux options : "soit le timbre fiscal est redevable dans tous les cas, soit le champ social en est exonéré". Si le choix avait été fait de ne soumettre à la taxe que la seule représentation obligatoire par avocat, le risque aurait été que la mesure soit retoquée devant le Conseil constitutionnel. "Il y aurait rupture d'égalité devant les charges publiques sans justification objective", estime-t-il.  

Une procédure électronique en appel ouverte en principe aux seuls avocats

Mais l'opportunité de recourir à un défenseur syndical pour assurer la représentation obligatoire en appel risque de soulever un autre problème - technique cette fois - comme le souligne Philippe Leconte, avocat associé spécialisé en procédure d'appel et directeur général de Lexavoué. "Il y a encore des inconnues notamment sur la manière dont les délégués syndicaux pourront accéder à la communication électronique actuellement réservée aux avocats". En effet, aujourd'hui, les appels en matière civile avec représentation obligatoire sont soumis aux délais de la procédure du décret du 9 décembre 2009. Concrètement, "l'ensemble des actes de procédure doivent, pour être réguliers, être transmis par la voie électronique (article 748-1 et suivants du code de procédure civile)", explique Philippe Leconte. Cette transmission s'effectue par ce qu'on appelle le RPVA (Réseau privé virtuel des avocats) dont les clés sont remises individuellement aux avocats.

Dans son rapport, Alain Lacabarats envisage la possibilité d'ouvrir le RPVA aux défenseurs syndicaux : "Certes, le principe en appel pour les procédures avec représentation obligatoire, est celui du monopole des avocats, eux seuls ayant au surplus accès au RPVA. Toutefois, une exception devrait être prévue au profit des défenseurs syndicaux, présents historiquement dans les procédures de droit du travail".

Unifier les procédures

Au-delà de ces questions auxquelles devront répondre rapidement le ministère de la justice et Bercy, Philippe Leconte estime qu'il s'agit là d'une réforme nécessaire car "elle unifie les procédures devant les chambres sociales avec les procédures civiles classiques", ce qui, selon lui, contribuera à "améliorer le régime des écritures, des délais de procédure et de la communication des pièces".

Une brèche dans le monopole des avocats ?

Enfin, une dernière interrogation - et non des moindres - est mentionnée avec insistance par Dominique Piau : "Qu'en est-il de l'atteinte portée au monopole de la représentation des avocats" ?

La Chancellerie et Bercy vont devoir rapidement apporter des réponses. Le texte définitif sera en effet présenté en Conseil des ministres le 10 décembre.

Florence Mehrez
Ecrit par
Florence Mehrez
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Commentaires (4)

Anita | 25/11/2014 - 21:41

représentation syndicale en cour d'appel

Il est totalement impensable de proposer de telles mesures concernant les syndicats en France. Quand on connait leur notoriété (:((), il vaut mieux commencer par réformer leurs modes de fonctionnement et le contrôle de leurs agissements. Trop de pouvoirs aux syndicats et c'est la mort de la France, il suffit de voir comment ils procèdent au sein même de leurs groupements et à l'égard des entreprises pour se rendre compte qu'il faut tout d'abord s'atteler au coeur de leur fonctionnement et de leur raison d'être.
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M. QUINTIN | 25/11/2014 - 21:41

Représentation obligatoire

Il me semble que cette mesure porte aussi atteinte à la liberté syndicale. Historiquement les conseils des prud'hommes sont les tribunaux des employeurs et salariés le droit pour un salarié un employeur de se défendre seul est un acquis historique et unique, il ne doit pas être remis en question car cela serait une atteinte au droit des salariés. Un salarié doit pouvoir par exemple contester une sanction qu'il estime infondée à tous les niveaux de l 'instance sans se voir imposer une assistance obligatoire. dans certain litiges l'assistance d'un délégué de l'entreprise est bien utile a connaitre des règlements et usages de l’entreprise, ces délégués qui n'interviennent que dans un cadre restreint ne seront sans doute pas tous désignés représentant syndical tel qu il l' est prévu dans le projet de loi et en conséquence ne pourront plus assister les salariés de leur entreprise ce qui pour ma part est inadmissible
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M. PEPPOLONI | 25/11/2014 - 21:41

Un statut pour les défenseurs syndicaux ?

Et si enfin, après des dizaines d'années d'exercice, la plupart du temps bénévole, les défenseurs syndicaux avaient droit à un statut leur conférant une dignité et des moyens d'exercer ? Le monopole de la représentation prévu par la Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 - Article 4, alinéa 2, cite précisément que "les dispositions (de cet article ndr) ne font pas obstacle (...) au libre exercice des activités des organisations syndicales en matière de représentation et d'assistance devant les juridictions sociales et paritaires et les organismes juridictionnels ou disciplinaires auxquels ils ont accès." Dans l'esprit de la loi de 1971 il s'agissait de laisser les salariés se défendre contre un employeur, sans avoir à recourir à un avocat. Au-delà des dérives de certains "syndicats" crées pour l'action juridique, il y aussi la dérive de certains cabinets d'avocats qui facturent à l'heure dès le premier entretien, voire a chaque appel et à chaque discussion en ligne... Justice gratuite?
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M. BONIFACE | 25/11/2014 - 21:41

Pour la liberté de la défense

Il n'y a aucune raison d'empêcher au conjoint, partenaire de pacs, concubin ou collègue d'assister un salarié alors que, devant le tribunal de commerce, l'assistance est totalement libre. L'on doit aussi pouvoir conserver le droit de se défendre seul comme je l'ai pratiqué avec succès. Ce projet est une honte pour nos libertés.
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